Plus je connais le Kansai et plus je me rends compte que beaucoup de sites ont des difficultés à exister d'un point de vue touristique si ils sont un peu trop proche de Kyoto qui accapare inexorablement les visiteurs de tous ses charmes somptueux.
Omi-Hachiman en est l'exemple parfait.
Cette petite ville ayant bénéficié d'un riche passé commerçant et militaire pourrait constituer un pôle d'attraction touristique très intéressant compte tenu de la qualité de conservation de son quartier historique, de ses canaux bucolique, des vestiges de son château ou de l'accueil de ses habitants... mais il n'en est rien car malgré tous ses charmes, elle reste confinée dans l'ombre de l'ancienne capitale.
D'ailleurs, pour ma part, je n'y avais jamais mis les pieds en 30 années de voyages au Japon... et pourtant j'ai déjà passé beaucoup de temps à Kyoto !
C'est donc un peu pour réparer cet oubli et surtout pour satisfaire ma curiosité que je prends le bus n°6 en quittant la gare en direction de Shinmachi, le quartier historique qui constitue le principal point d'intérêt de la ville.
Shinmachi-dori, l'ancienne artère principale de la ville, marque la séparation entre le quartier populaire et celui des marchands, Le quartier des samouraïs étant pour sa part, situé au pied de l'ancien château qui trônait au sommet du mont éponyme qui domine la ville.
Au départ de la rue, on peut visiter plusieurs musées et maisons de marchands pour s'imprégner de l'époque de Edo qui vit se bâtir de véritables fortunes par l'augmentation des échanges commerciaux entre les régions économiquement prospères du Kanto et du Kansai.
En particulier la résidence Nishikawa Jingoro, lieu de villégiature de de travail d'un des éminents Omi shonin, (les marchands de Omi) de la période Edo.
Cette maison superbement conservée montre l'environnement familial luxueux côtoyant les activités commerciales de ce producteur de riz et fabricant de tatamis, le tout entouré par la sobre quiétude d'un joli jardin.
La rue entière est bordée de demeures de marchands qui furent construites entre les époques Edo et Meiji. Certaines d'entre elles datent de plus de 400 ans.
Toute cette zone fait partie des districts nationaux de préservation des groupes de bâtiments traditionnels du Japon.
L'extrémité de la rue donne sur le canal qui contribua à la richesse de la ville...
Le canal Hachiman bori est certainement le lieu le plus bucolique de la ville. Relié au lac Biwa, il servait à faire transiter des marchandises produites dans la région en direction de Kyoto et de Edo.
Il était encore fonctionnel au début du XXème siècle, avant qu'il ne soit supplanté par la route, victime collatérale de l'avènement du transport automobile.
Il fut même proche de disparaître lorsqu'une municipalité dévoila un projet de comblement pour le remplacer par une route... heureusement, la population s'y opposa et le projet fut enterré à jamais, pour notre plus grand plaisir.
Moyennant 1000 Yens, la balade en bateau « Hachiman bori meguri » permet d'effectuer un voyage dans l'histoire et le riche passé de la ville en voguant lentement sur les eaux tranquilles.
Le canal marque également la séparation entre le quartier des marchands et celui des samouraïs, regroupés au pied du mont Hachiman.
Avant de le prendre d'assaut, je visite le sanctuaire Himure Hachimangu dont la longue histoire et la puissance ont donné son nom à la ville.
Ce sanctuaire fut créé en 131 par Takenouchi no Sukune et abrite les reliques de « Homutawake no Mikoto », le dieu de la guerre. A ce titre, cet endroit fut visité par beaucoup de personnalités à tendance guerrière au cours des siècles dans le but d'obtenir ses faveurs du dieu lors de leurs futures batailles.Le premier Shogun Tokugawa, unificateur du Japon vint notamment se recueillir ici lors de la bataille de Sekigahara, près de Gifu. afin de solliciter une longue vie en temps de paix... version officielle.L'entrée du sanctuaire est marquée par une imposante porte défendue par des komainu, les chiens gardiens sacrés.
Je m'arrête ensuite faire mes ablutions au Temizu derrière lequel on peut voir des barils de Hono Sakadaru, le saké consacré aux dieux du sanctuaire.
Un coup d’œil au Kagura-den, le bâtiment contenant la scène consacrée à la danse sacrée Kagura et au théâtre Noh.
Le Haiden est certainement le lieu de culte le plus esthétique du site.
C'est à l'arrière de la salle du Honden, principal bâtiment du sanctuaire que se repose le dieu de la guerre, je n'ai pas jugé utile de le déranger dans son sommeil que j'espère éternel...
Rien de tel qu'un couple de colombes pour équilibrer les effets du dieu endormi...
La station du téléphérique est à deux pas de là.... le billet aller-retour me coûtera 880 yens.
C'est au sommet du mont Hachiman que se dressait jadis un fier édifice fortifié construit en 1585 par Hidegutsu, un neveu du shogun Toyotomi Hideyoshi. Mais ce château n'a pas résisté à la volonté du cruel shogun qui ordonna sa destruction quelques décennies plus tard après avoir condamné son neveu à la mort par seppuku suite à une suspicion de coup d'état...Si on a le temps et assez de courage, il est possible d'atteindre le sommet du mont et les ruines du château en empruntant un sentier tortueux et escarpé... ou le téléphérique si on est pressé ou paresseux... voir même les deux.
Si le château n'existe plus, son esplanade a été conservée et la vue dominant la plaine et Biwa-ko, le plus grand lac du japon est est absolument magnifique.
Une sculpture LOVE attire certainement des couples désireux de se faire photographies dans cet environnement enchanteur... manque de chance, j'étais vraiment seul sur ce mont.
Un sentier permet d'en faire le tour en une vingtaine de minutes. Il permet d'apprécier les murailles du château, inexorablement envahies par la végétation et de découvrir d'autres points de vue sur la campagne environnante.
Si le château a disparu depuis longtemps, on trouve un petit temple au sommet du mont. Il était indiqué comme étant toujours ouvert, mais à ma grande surprise j'ai trouvé porte close.
Il n'y avait pas un chat dans les environs... ou plutôt, il n'y avait qu'un chat. Mais il ne m'a pas ouvert !
Une fois redescendu par le téléphérique, j'ai à nouveau franchi le canal pour continuer la visite du quartier des marchands. Compte tenu de la richesse architecturale des entrepôts et boutiques, je m'étonne encore de ne pas y avoir rencontré plus de monde.
Comme je photographiais la devanture d'une boutique, une employée m'a invité à entrer.
Il s'agissait d'une épicerie qui comprenait une partie traiteur avec des plats préparés dans lesquels les clients se servaient avant d'aller payer en caisse. Ayant avoué que tout cela me donnait faim, on m'a invité à choisir des mets et à aller m'installer dans une salle adjacente. Un excellent repas pour quelques centaines de yens.
J'ai ensuite continué à me balader dans les ruelles jusqu'à la rue principale, m'émerveillant à chaque carrefour.
Je termine cette visite en parcourant rapidement les ruelles en damier bordées de petites résidences du quartier populaire en direction du temple Himureisan Ganjoju.
J'ai toujours été attiré par les volées d'escaliers, la peine engendrée par leurs montées aboutissant souvent sur des instants de plénitude dans la contemplation de lieux aux beautés insoupçonnées.
Mais pour une fois, mes efforts ne sont pas vraiment récompensés, l'endroit se révélant être d'une banalité affligeante. Mais la prochaine fois...
Un ultime bref arrêt pour la visite du temple Hongan-ji Hachiman qui protège les âmes du quartier.
A bientôt!